Une autre vie...
Un autre temps, une autre vie...j'étais de ceux qui n'ont pas eu le droit, j'étais de ceux que les inquisiteurs nommaient "sorcière"...
Mon existence était déjà condamnée par cette condition de femme seule et vivant dans l'ingratitude de la misère, là bas au fond de la forêt des Brumes.
Ces bois étouffaient sous l'oppression écrasante d'une humidité glaciale et opaque, pendant les longs mois d'hiver. Mes hardes contraignaient difficilement le froid mordant tel une couverture d'épines. La lutte des lambeaux supportait une défaite sans nom...
Mais j'avais appris à me satisfaire de cette solitude, ne survivant que grâce à la connaissance des racines et des plantes de mon environement. La pause de collets et quelques ceuillettes me permettaient de donner quelques sustancielles ressources à ce corps décharné.
Rares étaient les villageois de la vallée qui osaient s'aventurer si loin dans la forêt . mais les plus téméraires venaient quérir quelques secrets médicinales afin de soigner une mauvaise plaie ou un animal souffrant.
Je vivais de rien, en symbiose avec la nature qui m'entourait des ses bruits, de ses odeurs, où je ne pouvais me soustraire au régard paisible de la flore. Les arbres ne jugent point !
Il est sorti du brouillard, un triste matin ou l'hiver se confondait dèjà à l'automne : vetu d'ombre et d'acier, chevauchant un étalon à la robe luisante. De la fente de son heaume, je ne percevais que le suintement d'un regard haineux.
Je n'ai pas chercher à fuir, celà aurait été vain.
Il m'a sommé de cesser de pactiser avec Satan. Mais croire en Satan aurait signifié que j'accordais aussi une importance à son dieu . Je ne voulais me résoudre à renier mes croyances paiennes... Son glaive s'est abattu comme le bras armé d'un dieu de miséricorde aux yeux duquel je ne croyais pas, impie sois-tu, impie soit-il...
Un autre temps, une autre vie, où j'étais de ceux dont il fallait érradiquer la différence, où je n'existais pas...